Peut-on faire confiance à l’intuition clinique des kinésithérapeutes en accès direct ? Une étude d’accord entre l’évaluation initiale et finale à l’aide de l’échelle de préoccupation
Objectif(s) de la recherche et intérêt pour la santé publique
Finalité de l'étude
Objectifs poursuivis
Domaines médicaux investigués
Bénéfices attendus
Introduction
L’accès direct (AD) désigne la possibilité pour un patient de consulter directement un kinésithérapeute en première intention, sans prescription médicale préalable.
Cette approche a été progressivement intégrée dans divers systèmes de santé à travers le monde. De nombreuses études ont mis en évidence des bénéfices significatifs, tels qu’une amélioration de l’accès aux soins, une réduction des délais de traitement, une plus grande satisfaction des patients, ainsi qu’une gestion plus efficiente des coûts de santé.
En France, bien que l’AD reste encore limité dans sa mise en œuvre, un intérêt croissant émerge, soutenu par des initiatives pilotes et des discussions réglementaires en cours. Ce débat s’inscrit dans un contexte national plus large, axé sur les enjeux d’accessibilité aux soins, notamment dans les zones sous-dotées en professionnels de santé.
Du point de vue de la mise en œuvre, plusieurs incertitudes subsistent, reflétant des limitations majeures. D’une part, les types de pathologies rencontrées en première intention par les kinésithérapeutes dans un cadre d’accès direct ne sont pas encore documentés en France. D’autre part, les structures administratives – telles que les codifications de facturation et les classifications diagnostiques – ne sont pas adaptées à ce mode d’exercice. Ces lacunes soulèvent des préoccupations importantes, notamment en matière de sécurité des patients : incertitudes diagnostiques, retards de prise en charge médicale ou orientations inappropriées, en particulier pour des affections nécessitant une évaluation urgente. Par ailleurs, des interrogations subsistent quant à la préparation réelle des kinésithérapeutes à ce champ d’intervention élargi, et à la fiabilité de leurs compétences cliniques pour assurer une évaluation adéquate et des orientations pertinentes.
Le raisonnement clinique repose à la fois sur des processus analytiques et un jugement intuitif, ce dernier étant souvent ancré dans l’expérience antérieure du clinicien. Le modèle de l’heuristique affective met en évidence la manière dont des indices émotionnels et expérientiels peuvent influencer la prise de décision en situation d’incertitude. Bien que développé initialement pour la prise en charge des troubles rachidiens, le cadre de certitude diagnostique constitue un outil pertinent pour structurer les niveaux d’inquiétude dans des contextes cliniques plus larges, notamment en cas de suspicion de pathologie grave.
Une piste prometteuse pour renforcer la sécurité des patients pourrait être l’intégration d’outils d’intelligence artificielle (IA) dans la pratique clinique. Bien que les données actuelles sur leur utilisation en kinésithérapie soient limitées, ces technologies pourraient compléter l’intuition clinique. Ensemble, elles offriraient des mécanismes de sécurité complémentaires favorisant la décision, améliorant la précision diagnostique, réduisant les erreurs cliniques et facilitant l’identification de pathologies graves ou atypiques, avec un impact potentiel positif sur la qualité des soins.
À ce jour, aucune donnée de soins primaires n’a été recueillie dans un contexte de kinésithérapie en AD en France. Cette étude vise à documenter l'accord entre les premières impressions cliniques des kinésithérapeutes et le niveau final de préoccupation diagnostique.
Schéma d’étude
Cette étude est une recherche observationnelle rétrospective menée à partir des données issues de bilans cliniques réalisés en AD, extraites de la base de données du logiciel TOHA. Elle a été conçue conformément aux recommandations méthodologiques des lignes directrices STROBE (Strengthening the Reporting of Observational Studies in Epidemiology).
Ethique et consentement
Cette étude a été conduite conformément à la Méthodologie de Référence MR-004 adoptée par la CNIL pour les recherches n’impliquant pas la personne humaine. Une déclaration de conformité a été enregistrée sous le numéro 2239226. Tous les participants ont été informés des objectifs de l’étude, des modalités de traitement de leurs données, de leur droit à l’opposition, ainsi que des garanties de confidentialité. Aucune donnée nominative n’a été collectée, et l’ensemble des données a été pseudonymisé conformément aux exigences réglementaires.
Population étudiée
Les bilans analysés dans cette étude proviennent de consultations réalisées par des masseurs-kinésithérapeutes habilités à recevoir des patients en AD, dans le respect du cadre réglementaire en vigueur. Ces praticiens peuvent recevoir des patients en AD s'ils travaillent au sein de structure comme les maisons pluridisciplinaires (MSP), centre de santé, Equipes de Soins Primaires (ESP) ou spécialisées (ESS), Etablissements de santé privés (cliniques, centres hospitaliers, etc...), établissements médico-sociaux.
Critères d'inclusion
Pour être inclus dans l’analyse, chaque bilan extrait de la base de données devait satisfaire aux critères suivants : (i) correspondre à une consultation réalisée en accès direct, sans orientation médicale préalable ; (ii) présenter un motif de consultation relevant des domaines de compétence prédéfinis dans le cadre de l’étude (cardio-respiratoire et neuro-musculosquelettique) ; et (iii) comporter des données complètes relatives à l’échelle de préoccupation, renseignée à l’entrée et à la sortie du bilan.
Critères d’exclusion
Les bilans étaient exclus de l’analyse s’ils répondaient à l’un des critères suivants : (1) données manquantes ou incomplètes concernant l’échelle de préoccupation à l’entrée ou à la sortie ; (2) incohérences ou erreurs de saisie détectées dans les variables clés du dossier.
Développement d’un logiciel de recueil de données et d’aide à la décision
Développement d’un logiciel de recueil de données et d’aide à la décision
Les systèmes d’intelligence artificielle générative présentent aujourd’hui des limites notables en santé, notamment une faible conformité aux recommandations cliniques actualisées, un manque de fiabilité des suggestions, et l’absence d’hébergement sécurisé conforme aux exigences liées aux données de santé.
Pour répondre à ces enjeux, nous avons développé TOHA, un outil d’aide à la décision clinique fondé sur une intelligence artificielle symbolique, dédiée aux domaines musculosquelettiques et cardio-respiratoire. TOHA s’appuie sur des algorithmes validés par consensus scientifique, issus de la littérature et des recommandations internationales. À partir de l’anamnèse du patient, il propose des tests et questionnaires pertinents, en soutien au raisonnement clinique. Ces suggestions ne remplacent en aucun cas le jugement du professionnel de santé, qui demeure central dans la prise de décision.
Variables analysées
Le processus d’évaluation réalisé dans cette étude comprend plusieurs étapes successives : identification du motif de consultation, cotation initiale du niveau de préoccupation, collection des données de l’anamnèse, des tests cliniques et des questionnaires, puis cotation finale de la préoccupation par le praticien.
Motif de consultation
Le cadre actuel de codification en France, notamment la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP), ne permet pas d’identifier de manière spécifique les patients consultant en l’absence de diagnostic médical. Pour pallier cette lacune, nous avons élaboré une taxonomie clinique orientée par système, permettant de sélectionner une catégorie de plainte du patient, à laquelle est associé un motif de consultation symptomatique sans étiologie diagnostiquée. Cette classification vise à structurer l’enregistrement des cas relevant de l’accès direct, en l’absence de diagnostic préalable, tout en respectant les exigences de traçabilité et de cotation des actes de kinésithérapie.
Echelle de préoccupation
L’échelle de préoccupation, traduite en français pour cette étude, comprend quatre niveaux (de 0 à 3) permettant de quantifier le degré d’inquiétude du praticien concernant la pertinence d’une prise en charge en kinésithérapie (Figure 3). Un score élevé reflète une préoccupation importante pouvant justifier une réorientation vers un professionnel médical. Cette échelle a été administrée à deux moments clés du bilan : une première fois dès le début de l’évaluation, après l’identification du motif de consultation et la collecte de l’histoire de la maladie, puis une seconde fois en fin de bilan, une fois l’anamnèse complétée, les tests cliniques et questionnaires réalisés, permettant au praticien de poser un avis final. Pour garantir l’uniformité d’utilisation, une description standardisée de l’échelle était consultable directement dans le logiciel via la fonction « + » lors du remplissage.
Statistique
Des analyses descriptives seront réalisées afin de caractériser les motifs de consultation rapportés lors des bilans initiaux. Ces motifs seront classés a posteriori dans les grands domaines cliniques concernés par l’étude, à savoir le champ musculosquelettique et le champ cardio-respiratoire. L’accord entre les cotations à l’échelle de Finucane entre l’évaluation initiale (début du bilan) et l’évaluation finale (fin du bilan) sera examiné à l’aide du coefficient kappa quadratique pondéré. Une analyse descriptive des scores les plus fréquemment attribués sur l’échelle de préoccupation sera effectuée. L’évolution du niveau de préoccupation sera également étudiée de manière directionnelle, en identifiant les tendances à la hausse (vers un score de 3) ou à la baisse (vers un score de 0) entre les deux temps de cotation. L’ensemble des analyses statistiques sera réalisé avec un seuil de significativité fixé à p < 0,05 sur le logiciel Rstudio.
Données utilisées
Catégories de données utilisées
Source de données utilisées
Autre(s) source(s) de donnée(s) mobilisée(s)
Appariement entre les sources de données mobilisées
Variables sensibles utilisées
Justification du recours à cette(ces) variable(s) sensible(s)
La date de naissance et la date de consultation sont collectées dans le but de calculer l’âge exact des participants au moment de la prise en charge. Cette information est indispensable pour caractériser précisément la cohorte, notamment en termes de distribution d’âge, ce qui constitue un critère essentiel de validité externe.
L'âge au jour de la consultation permet de contextualiser les données cliniques et d’évaluer la généralisabilité des résultats à d’autres populations. Cette structuration est nécessaire pour garantir la rigueur scientifique de l’étude.
Les données sont pseudonymisées conformément au RGPD.
Recours au numéro d'identification des professionnels de santé
Plateforme utilisée pour l'analyse des données
Acteurs finançant et participant à l'étude
Responsable(s) de traitement
Type de responsable de traitement 1
Responsable de traitement 1
Localisation du responsable de traitement 1
Représentant du responsable de traitement 1
Calendrier du projet
Base légale pour accéder aux données
Encadrement réglementaire
Durée de conservation aux fins du projet (en années)
05
Existence d'une prise de décision automatisée
Fondement juridique
Article 6 du RGPD (Licéité du traitement)
Article 9 du RGPD (Exception permettant de traiter des données de santé)
Transfert de données personnelles vers un pays hors UE
Droits des personnes
Conformément aux articles 15 à 20 du RGPD, les personnes concernées par cette étude disposent des droits suivants : droit d’accès à leurs données, droit de rectification, droit à la limitation du traitement, droit d’opposition et, sous conditions, droit à l’effacement et à la portabilité. Dans le cadre de cette recherche rétrospective, une procédure d’information individuelle et de non-opposition a été mise en œuvre, conformément aux exigences de la méthodologie de référence MR-004 de la CNIL. Les participants ont été informés de l’utilisation de leurs données à des fins de recherche, et ont pu exercer leur droit d’opposition à tout moment. Les professionnels de santé (masseurs-kinésithérapeutes) ont également été informés et ont donné leur accord pour l’utilisation de leurs données professionnelles dans le cadre du projet. Les demandes d’exercice des droits peuvent être adressées au délégué à la protection des données (DPO) de la structure responsable de traitement, selon les modalités prévues dans la politique de confidentialité.