Mieux comprendre la résistance aux antibiotiques : le projet BACTHUB
La résistance des bactéries aux antibiotiques, aussi appelée antibiorésistance, est un enjeu majeur de santé publique. En effet, une étude menée en 2019 estime que 5 millions de décès dans le monde sont associés à l’antibiorésistance. Le projet BACTHUB, porté par l’Inserm et l’AP-HP, et soutenu par le Health Data Hub, étudie le lien entre la prise d’antibiotiques et le développement d’une bactériémie (infection dans le sang) à bactérie résistante aux antibiotiques.
La France, quatrième plus gros consommateur d’antibiotiques en Europe
Les Français sont parmi les plus grands consommateurs d’antibiotiques en Europe, selon l’European Centre for Disease Prevention and Control. L’usage inapproprié des antibiotiques a contribué au développement et à la dissémination de bactéries résistantes aux traitements. Cette résistance se manifeste lorsqu’une bactérie se transforme et développe des mécanismes de défense, diminuant ou annulant l’action des antibiotiques qui la combattent.
Pour contrôler l’augmentation des bactéries résistantes, le Gouvernement français a mis en place des stratégies de santé publique, parmi lesquelles la lutte contre le mésusage et la surconsommation d’antibiotiques. Pour soutenir ces politiques, le projet BACTHUB vise à mieux clarifier le lien entre la prise d’antibiotiques et le risque de développer une infection bactérienne résistante aux antibiotiques.
Une base avec les données de plus de 30 000 patients
Le projet BACTHUB s’est appuyé sur les données de l’entrepôt de données de santé de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), la plus grande entité hospitalo-universitaire d'Europe.
La première étape du projet, c’est-à-dire la constitution de la base de données hospitalière, a été franchie. Il s’agit de la première base en France, et l’une des rares à l’échelle internationale, comportant des données aussi détaillées pour un grand nombre de patients hospitalisés avec une bactériémie. En effet, elle inclut à la fois des données sur les patients, sur les séjours hospitaliers, sur le(s) bactérie(s) responsable(s) de l’infection et sur leur statut vis-à-vis de la résistance aux antibiotiques.
Dans un article paru dans Clinical Epidemiology, les caractéristiques de près de 30 000 patients adultes hospitalisés avec une bactériémie. Parmi ces patients, 41 % avaient acquis leur bactériémie en ville et 59 % à l’hôpital.
Les patients avec une bactériémie présentaient de forts taux de mortalité, atteignant 20 % à trois mois de l’infection dans le cas d’une bactérie acquise en ville et 26 % à trois mois de l’infection dans le cas d’une bactérie acquise à l’hôpital. Le taux de mortalité était 1,5 à 2 fois plus faible pour les patients sans passage en soins intensifs par rapport à ceux avec passage en soins intensifs, selon le cadre d’acquisition de l’infection (ville ou hôpital).
Guider la prise en charge des patients
Ce travail a permis de spécifier les principales caractéristiques des patients, de leur séjour hospitalier, de leur(s) bactérie(s) et de leur lieu d'acquisition (en ville ou à l'hôpital). Les résultats obtenus sont importants, car ils peuvent aider les soignants à bien choisir les antibiotiques qu’ils donnent aux malades.
Lorsque cette base de données sera chaînée à la base principale du Système national des données de santé (SNDS), le parcours de soins des patients sera quasi-exhaustif. En effet, l’ensemble des hospitalisations qu’elles soient à l’AP-HP ou hors de l’AP-HP sera connu ; par ailleurs l’ensemble des soins remboursés en ville sera aussi renseigné, en particulier sur les antibiotiques délivrés aux patients en ville avant leur hospitalisation avec bactériémie. Cette information permettra d'étudier avec précision le lien entre la prise d’antibiotiques et le risque de faire une bactériémie à bactérie résistante aux antibiotiques. Ainsi, il pourra être estimé le nombre de bactériémies à bactéries résistantes aux antibiotiques évitées si l’on diminuait la prescription d’antibiotiques.